Bassamat & Laraqui

Loi sur la S.A: voici les améliorations proposées par le ministère de l’Industrie

Renforcer la transparence, améliorer l’égalité des genres au sein des organes de gouvernance, favoriser l’entrepreneuriat en simplifiant le cadre juridique… Voici les apports de l’avant-projet de loi sur les Sociétés anonymes.

Le ministère de l’Industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique a élaboré un avant-projet de loi 19.20 modifiant et complétant la loi 17.95 relative aux sociétés anonymes. Le texte est en consultation publique depuis le 18 août au niveau du site web du Secrétariat général du gouvernement. Il pourrait donc subir des modifications avant d’être soumis au Conseil de gouvernement pour examen.

Les changements concernent plusieurs articles dont les plus importants portent sur le renforcement de la transparence et l’instauration d’un équilibre obligatoire en matière d’égalité des genres. 

L’élaboration de ce texte s’inscrit dans le cadre de l’ambition de maintenir une trajectoire ascendante dans le positionnement du Maroc dans le fameux rapport relatif à l’environnement des affaires “Doing Business”.

Le texte comporte donc plusieurs dispositions visant à simplifier le cadre juridique afin d’encourager les initiatives entrepreneuriales.

Il tend également à mieux encadrer les comportements des entreprises, renforcer la transparence et responsabiliser les acteurs de la gouvernance.

De plus, et il s’agit de l’un des principaux apports de ce projet de loi, il vise à supprimer la discrimination basée sur le genre en établissant un équilibre entre les femmes et les hommes au sein des organes de gouvernance.

Simplification des procédures pour encourager l’entrepreneuriat 

Comme le précise la note de présentation du ministère de l’Industrie, l’un des objectifs principaux de ce projet de loi est de simplifier le cadre juridique afin d’encourager l’initiative entrepreneuriale.

Dans ce sens, le projet de loi vise à promouvoir la Société anonyme simplifiée dont la création et la gestion sont, comme son nom l’indique, plus simples en comparaison à d’autres formes de sociétés aux procédures plus complexes.

Ainsi, les articles du titre 15, portant sur la Société anonyme simplifiée ont connu quelques modifications.

Il s’agit notamment de l’article 425 qui dispose que “la société anonyme simplifiée est créée entre une ou plusieurs personnes qui ne supportent aucune perte, sauf dans la limite des parts et droits représentés par les actions”, ou encore de l’article 427, selon lequel le montant du capital est déterminé librement dans les statuts.

Plus de contrôle pour plus de transparence 

Conformément aux modifications ajoutées à l’article 56 dans cet avant-projet de loi, “toute convention représentant moins de 5% des actifs de la société conclue entre une Société anonyme et l’un de ses administrateurs ou directeurs généraux doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration”.

“Si la convention représente 5% ou plus des actifs de la société, elle doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration puis à l’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire” poursuit le même article.

Les conventions conclues entre une société anonyme et une entreprise sont, selon le même article, soumise aux mêmes conditions suscitées. 

De plus, il s’agit également d’une nouveauté apportée par ce projet de loi, “l’octroi de ces autorisations repose sur un rapport élaboré par le commissaire aux comptes”, dans le respect de certaines conditions prévues à l’article 58.

Dans le même sens, le projet de loi 19.20 prévoit, à travers son article 95 que “toute convention représentant moins de 5% des actifs de la société conclue entre une Société anonyme et l’un des membres du directoire ou de son conseil de surveillance ou l’un des actionnaires disposant de manière directe ou indirecte de plus de 5% du capital ou des droits de votes, est soumise à l’autorisation préalable de son conseil de surveillance”.

“Si la convention représente 5% ou plus des actifs de la société, elle doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil de surveillance, puis de l’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire”.

Là encore, l’octroi de ces autorisations sera basé sur un rapport élaboré par le commissaire aux comptes, conformément aux dispositions de l’article 97.

Commissaires aux comptes: renouvellement pour 3 exercices supplémentaires

L’un des objectifs de ce texte est de responsabiliser tous les acteurs actifs dans la gouvernance de l’entreprise.

Dans ce sens, l’article 58 a été modifié pour ajouter le directeur général délégué et les actionnaires concernés à la liste des personnes “tenues d’informer le conseil, après avoir pris connaissance d’une convention à laquelle l’article 56 est applicable”. Cette responsabilité ne pèse plus que sur l’administrateur et le directeur général.

Par ailleurs, l’article 73 de la loi actuellement en vigueur, octroie au président du conseil d’administration la possibilité de convoquer le conseil “aussi souvent que la loi le prévoit et que la bonne marche des affaires sociales le nécessite”.

Modifié par l’avant-projet de loi 19.20, l’article 73 impose que le conseil d’administration soit tenu au moins 2 fois par an. Il en est de même pour les réunions périodiques du conseil de surveillance.

Par ailleurs, le ou les commissaires aux comptes, qui sont nommés, conformément à l’article 163, par l’assemblée générale ordinaire des actionnaires pour trois exercices, pourront voir leurs missions renouvelées pour 3 exercices supplémentaires au maximum. 

De ce fait, leurs missions expirent après la réunion de l’assemblée générale ordinaire qui statue sur les comptes du troisième ou du sixième exercice, selon les cas.

Egalité des genres: une obligation pour les entreprises

Autre grand changement à opérer, à travers le projet de loi 19.20: l’égalité des genres.

Le texte met l’accent sur le nécessaire équilibre au niveau de la représentation des femmes et des hommes au sein des organes de gouvernance, puisqu’il s’agit d’une élément que l’on retrouve dans plusieurs articles modifiés par ce projet de loi.

En effet, le texte prévoit que les statuts de l’entreprises devront stipuler l’obligation de réaliser un équilibre entre les sexes dans la composition du conseil d’administration (article 39) et du conseil de surveillance (article 83).

De plus, les articles 76 et 106 bis disposent que les sociétés faisant appel public à l’épargne devront veiller à ce que les comités techniques chargés d’étudier les questions soumises par le conseil d’administration, soient composés d’au moins un représentant de chaque genre.

Il est même prévu, à travers l’article 83 bis qu’à partir du 1er janvier de la troisième année suivant la publication de ce texte au bulletin officiel, “la représentation de chaque genre, au sein du conseil de surveillance, ne peut être inférieure à 30%, dans les sociétés faisant appel public à l’épargne”.

A partir du 1er janvier de la sixième année suivant l’entrée en vigueur dudit texte, la représentation de chaque genre ne peut être inférieure à 40%.

La même chose est prévue par l’article 40 bis pour mettre en place une représentation équilibrée des genres pour les administrateurs, dans les sociétés faisant appel public à l’épargne.

 

Par : Sara IBRIZ

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Royal Air Maroc: les licenciements ont été autorisés, les 140 concernés sont notifiés

Par l’arrêté 1299 daté du 18 août, le gouverneur de la préfecture de Hay Hassani (dont relève le siège de la RAM) a autorisé les 140 licenciements demandés par la compagnie nationale.

Les 140 personnes concernées ont été notifiées (fac-similé) entre le 25 et le 26 août: 65 pilotes, 59 salariés du personnel navigant commercial et 16 du personnel au sol. L’effectif de la compagnie nationale avant licenciement était de 2.300 personnes au total.

La commission provinciale chargée de statuer sur les licenciements économiques s’était réunie le 13 août au siège de la préfecture, en présence de la direction de la compagnie nationale, des administrations concernées ainsi que du syndicat UMT.

Plus de la moitié des compagnies aériennes dans le monde ont annoncé des licenciements parfois massifs.

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Entreprises en difficulté: La situation s’aggrave avec les vacances judiciaires

Une grosse vague de «faillites» en perspective! La pandémie du Covid-19 a démultiplié les risques de difficultés d’entreprises à cause d’une inactivité économique totale ou partielle. Et ce au moment où l’état d’urgence sanitaire a bouclé son cinquième mois depuis son entrée en vigueur via un décret-loi, le 20 mars 2020.

Certains praticiens du droit déclarent «l’urgence de préserver le tissu économique». Le cabinet Bassamat & Laraqui a élaboré un mémorandum dans ce sens.

«Tout le processus (de sauvetage) doit être soigneusement pensé afin de viser à liquider les entreprises non viables et inefficaces et à assurer la survie de celles qui sont potentiellement viables», propose le document daté du 18 mai 2020. La responsabilité des dirigeants ne doit pas passer sous silence. Le droit pénal des affaires demeure applicable en cas de faute de gestion ou d’abus de biens sociaux (voir illustration).

Le mémorandum du cabinet Bassamat & Laraqui met en avant trois objectifs: le sauvetage de l’entreprise, la préservation de l’emploi et la prise en compte de l’intérêt des créanciers. Mais d’où partons-nous sur le terrain?
Le Comité de veille économique a pour mission de secourir les secteurs les plus sinistrés par la crise sanitaire (Cf. L’Economiste n°5772 du 1 juin 2020).

«Le recours au traitement des difficultés sera démultiplié nonobstant les soutiens financiers mis en place en faveur des entreprises. La législation actuelle, le nombre insuffisant des juridictions spécialisées (de commerce), et le manque de formation spécifique des organes de la procédure (comme les juges et les syndics) ne sont pas en mesure de prendre en charge les entreprises…», relève Me Bassamat Fassi-Fihri.

Reprise du service public: L’agenda mirage

Le temps joue contre le gouvernement, les opérateurs économiques et la justice.
La machine judiciaire est à l’arrêt depuis le 23 juillet jusqu’au 7 septembre 2020 à cause des congés annuels alors que la situation est très critique. Vive le service public! «Les dossiers s’amoncellent à coup de reports d’audiences récurrents», témoignent des avocats auprès de L’Economiste. L’un d’eux, Me Kamal Habachi, précise que «le départ en vacances au niveau de la juridiction de commerce de Casablanca a été reporté jusqu’au 3 août. Les dernières audiences remontent au début de ce mois-ci. Plusieurs dossiers de difficulté d’entreprises ont été jugés notamment dans le secteur du textile. C’est une procédure assez rapide». En pratique, le juge-commissaire accorde son visa aux demandes après examen des pièces jointes aux dossiers et l’audition du chef d’entreprise.
N’empêche que l’agenda de la reprise annoncé suite à une réunion tenue fin mai 2020 à Rabat entre le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, la présidence du ministère public, le ministère de la Justice et l’Association des barreaux  du Maroc n’est finalement qu’un mirage (Cf. L’Economiste n°5768 du 26 mai 2020).

«Cela dit, la déclaration d’état d’urgence sanitaire avait suspendu tous les délais légaux et réglementaires depuis le 17 mars jusqu’au 27 juillet 2020», rappellent des juristes d’entreprises. A cette dernière date, les vacances judiciaires étaient en principe déjà en cours. Dans ces conditions, un chef d’entreprise en difficulté devait prendre son mal en patience pour initier une procédure légale. Il n’existe même pas des statistiques à jour sur les sociétés commerciales ayant entamé des démarches de sauvetage devant la justice durant la crise sanitaire.

Un autre élément vient aggraver la situation. «Même en l’absence d’un système de traitement informatisé des données pour juger l’efficience réelle des procédures collectives, l’échec de celles-ci dans la pratique est avérée», relève le cabinet d’avocats d’affaires Bassamat & Laraqui (voir encadré). La refonte du code de commerce en avril 2018 est-elle de la poudre aux yeux?

                                                                                            

Une réforme précipitée

IL serait relativement prématuré de faire un bilan du nouveau code de commerce après deux ans d’application dont une année blanche. Mais les faits sont là.
D’abord, les décrets d’application de la réforme du 17 avril 2018, notamment ceux relatifs à l’assemblée des créanciers et du syndic judiciaire, accusent un grand retard. Ensuite, «le livre V du code de commerce sur les difficultés d’entreprises a été promulgué à la hâte», estime le cabinet d’avocats d’affaires Bassamat & Laraqui. Cette nouvelle loi a été de plus «élaborée et votée sans que l’on ait pris la mesure de l’efficacité» du code de commerce de 1995.
A l’époque, la réforme «a considérablement amélioré le classement du Maroc dans l’indicateur Doing Business» de la Banque mondiale. Passant ainsi de la 134e place à la 71e en 2018-2019. Mais à quel prix finalement? Comme dirait Napoléon, «il ne faut pas confondre vitesse et précipitation».

Par : Faical FAQUIHI

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Contrat de travail à durée déterminée: La procédure de licenciement codifiée

Après 16 ans d’attente, le décret sur les modalités du contrat de travail à durée déterminée (CDD) a été adopté et publié au Bulletin officiel (n°6906 du 06/08/2020). Le texte final ne fait pas l’unanimité chez les juristes car il a laissé quelques zones d’ombres telles que le caractère saisonnier d’une activité. Mais l’un des aspects qui pourrait intéresser bon nombre d’employeurs concerne les conditions de sa rupture en ces temps de crise économique due à la pandémie du Covid-19.

Ce qu’il faut savoir, «c’est que ces modalités avaient déjà été fixées par le code du travail», signale Mohamed Emtil, arbitre social. En effet, l’article 33 dispose que «le contrat de travail à durée déterminée prend fin au terme fixé par le contrat ou par la fin du travail qui a fait l’objet du contrat».

Toutefois, ce contrat peut être rompu avant terme de manière unilatérale à condition de verser des dommages-intérêts au salarié. Leur montant équivaut à la somme des salaires correspondant à la période restante du contrat. Aucune indemnité supplémentaire ne peut être obtenue.

Le même article stipule clairement que les dommages-intérêts ne sont pas dus en cas de faute grave ou de force majeure avérée. Si un employeur a perdu, par exemple, un contrat commercial pour une raison qui lui est imputable, il ne s’agit pas d’un cas de force majeure. Qu’en est-il en cas de fermeture administrative? Là encore l’appréciation revient au magistrat. «Le dahir des obligations et des contrats a fixé trois critères indispensables pour définir le cas de force majeure».

Elle doit être imprévisible, provenir d’une cause extérieure et ne pas être provoquée par la partie prenante. Deuxième critère: l’indépendance et l’irrésistibilité. La société doit être incapable de prévenir l’avènement d’un événement. Troisième condition: la force majeure doit être insurmontable en dépit des moyens mis en œuvre.

Autant de critères auxquels s’apparente justement la crise du coronavirus. Mais en cas de litige devant les tribunaux, le juge reste le seul arbitre et peut toujours décider que des alternatives sont possibles pour surmonter la crise. Par conséquent, si la force majeure n’est pas correctement prouvée, le versement de dommages-intérêts reste obligatoire en cas de rupture de CDD avant terme.

 La procédure d’écoute reste en vigueur

• Même en cas de faute grave, le salarié en CDD doit pouvoir se défendre

«En cas de faute professionnelle, il faut appliquer la procédure d’écoute prévue par l’article 62 du code de travail comme dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée», prévient Mohamed Emtil, consultant en droit social. Le dispositif qui a été encadré récemment par une circulaire du ministère du Travail prévoit l’obligation pour l’employeur de donner l’occasion au salarié, même en CDD, de se défendre et d’être entendu en présence du délégué ou du représentant des salariés qu’il choisit lui-même dans un délai de moins de huit jours à compter de la date de constatation de la faute grave qui lui est reprochée.

La séance d’écoute est sanctionnée par un procès-verbal qui doit être signé par les deux parties. Une copie est délivrée au salarié. Si l’une des deux parties refuse de signer, ou si le salarié refuse de se présenter à la séance d’écoute, l’employeur a pour obligation de recourir à l’inspecteur du travail comme dans  le cas d’un contrat à durée indéterminée (CDI). Si la faute grave est avérée, le salarié est licencié sans recevoir de reliquat de salaire pour la période restante. La séance d’écoute en cas de faute grave n’est pas le seul point commun entre le CDD et le CDI. «Le code du travail fixe une période d’essai en fonction de la durée du contrat de travail à durée déterminée», précise Me Kamal Habachi, avocat d’affaires associé au cabinet HB Law Firm. La période d’essai a été fixée par l’article 14 du code du travail entre 2 semaines pour un contrat de moins de six mois (à raison d’une journée pour chaque semaine) et 1 mois au-delà.Des périodes inférieures peuvent être prévues par le contrat de travail, la convention collective ou le règlement intérieur. La loi ne prévoit pas de préavis dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée.

Par : Hassan EL ARIF

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Justice: Comment se déclinera la transformation numérique

Mohamed Benabdelkader est déterminé à engager tous les acteurs de l’écosystème judiciaire dans son plan de transformation numérique de la justice. Toutes les professions, les services et les procédures liés à ce secteur doivent être intégrés dans un système numérique unifié. Le succès des procès à distance a accéléré le recours à la digitalisation tous azimuts.

L’objectif d’attendre un tribunal numérique, sans le moindre papier, est complexe tellement les chantiers sont nombreux et la justice pas très portée sur les nouvelles technologies. Le ministère de tutelle a lancé un plan directeur de transformation digitale, qui demandera du temps et des moyens financiers pour le mener à terme.

Outre le budget de l’Etat, ce département bénéficie de financements de la coopération internationale pour sa mise à niveau. Le ministère capitalise sur les réalisations acquises pour mettre en place des projets structurants et innovants. Il a fixé un calendrier de réalisation qui s’étale sur une période de 5 ans, entre 2021 et 2025.

■ La plateforme des avocats en cours de réalisation
Elle a été utilisée dans certains tribunaux à titre expérimental. L’idée est de l’enrichir davantage par l’introduction de nouvelles fonctionnalités, notamment le dépôt des requêtes, les demandes de notification et d’exécution et des copies de jugements. Sa généralisation va démarrer dans les prochains mois. Cette plateforme pour l’échange électronique avec les tribunaux est un outil qui permet d’effectuer des opérations à travers un portail dédié, avec une authentification pour s’assurer de l’identité du déposant et de l’authenticité des documents déposés. Elle permet aussi d’échanger des mémoires avec le greffe compétent sans avoir à se déplacer physiquement. Ce mécanisme aidera à désengorger les tribunaux et mieux organiser le traitement des requêtes. Avec la pandémie et le risque de propagation du virus que présente l’utilisation du papier, le recours aux services en ligne a été très sollicité. Ce portail a connu un pic d’utilisation en période de confinement, avec un grand nombre d’inscriptions et de créations de comptes.

■ Le paiement multicanal en cours de finalisation

Le paiement des taxes judiciaires et autres frais de justice constitue un point primordial dans la plupart des procédures judiciaires. Avec le recours des services en ligne, le ministère diversifie les canaux de paiement et de perception. Ainsi, en partenariat avec le Centre monétique interbancaire, le déploiement des terminaux de paiement électronique a été lancé au niveau du Tribunal de commerce de Rabat. L’idée est de généraliser cette solution à l’ensemble des juridictions du Royaume. Parallèlement à cette expérience, il est question de mettre en place les paiements par les guichets ou les plateformes web des banques. Pareil pour l’utilisation du paiement à travers les applications mobiles des banques.

■ Un comité mixte pour un texte commun

Toutefois, l’assise juridique de l’utilisation des nouvelles technologies dans les processus judiciaires reste un projet transverse de toutes les initiatives de transformation digitale. Il nécessite l’intégration de toutes les parties prenantes. C’est pour cette raison qu’un comité mixte a été créé. Il est composé de représentants du ministère de la Justice, du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et de la Présidence du ministère public. Il s’est penché sur la mise en place d’un texte commun regroupant les points à traiter en matière civile et pénale. Ces nouvelles dispositions donneront une valeur juridique à toutes les actions entreprises par voie électronique, dont la saisine en ligne qui deviendra la voie principale.

■ Un identifiant unique pour les professionnels de la justice
Avec la mise en place des plateformes dédiées, le système d’information judiciaire doit disposer d’une base de données regroupant l’ensemble des professionnels du secteur. Celle-ci permettra de mieux identifier les intervenants et de leur fournir un identifiant unique, qui sera utilisé dans tous leurs échanges avec l’écosystème judiciaire.

■ L’accès à la justice facilité
La transformation digitale se concrétise par la facilitation de l’accès à la justice pour l’ensemble des usagers, professionnels et justiciables ainsi que le grand public. Ceci sera possible grâce à «la mise en place de plateformes électroniques accessibles et minutieusement orientées», a noté Mohamed Benabdelkader. Pour lui, la digitalisation des procédures s’impose comme un impératif inévitable du plan de transformation. La dématérialisation de la gestion des dossiers judiciaires aura un effet positif sur le déroulement global des procès.

■ Un portail intégré pour tous les métiers de la justice

Mohamed Benabdelkader a arrêté des programmes déclinés en projets pour la réalisation du plan de transformation. C’est le cas pour la création d’un portail intégré pour l’accès à la justice. Il rassemblera toutes les parties prenantes de la gestion du système judiciaire. Ainsi, l’avocat, l’huissier de justice, l’adoul, l’expert judiciaire, tous les auxiliaires de la justice et les usagers vont en bénéficier. Il comprendra plusieurs espaces virtuels, notamment du citoyen, des plaintes et du registre de commerce.

■ Les dossiers judiciaires dématérialisés

Elle concerne la numérisation des dossiers du parquet au niveau de son rapport avec la police judiciaire et à l’occasion de son intervention dans les affaires civiles… Idem pour la dématérialisation des dossiers de la défense qui commencera dès l’ouverture du processus jusqu’à l’exécution des décisions ou le classement de l’affaire, est-il indiqué. Ce programme comprendra un numéro national électronique des dossiers judiciaires, un dossier informatique du ministère public et un autre du siège.

■ Déploiement de l’échange électronique des documents
Le dispositif, qui comprend l’administration dématérialisée des dossiers, permettra une grande fluidité, le gain de temps et la réduction de la durée de vie des affaires, particulièrement après l’entrée en vigueur de la notification électronique.

■ La numérisation des décisions et de leur exécution
L’objectif est de passer à une étape plus avancée au niveau de l’exécution des décisions en matière civile, familiale, commerciale, administrative ou pénale. Elle prévoit la dématérialisation des mécanismes de suivi de l’exécution de la peine, les amendes, les créances échues à recouvrer, des condamnations à des peines privatives de liberté, exécutoires ou en sursis. Le programme prévoit de mettre en place une infrastructure numérique accessible à toute personne concernée, qui permet le suivi et le contrôle de l’exécution des procédures.

Par : Mohamed CHAOUI

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Notariat : Faute de décrets d’application, accès verrouillé depuis 8 ans

L’absence de décrets d’application de la nouvelle loi verrouille depuis huit ans l’accès au notariat. Des nominations chaque année mais en vertu de l’ancienne loi. l’Institut de formation professionnelle des notaires aux oubliettes.

Un décret d’application attendu depuis huit ans. Ce record est attribué au texte réglementaire fixant le régime de concours d’accès au notariat. Résultat : Depuis 2012 et l’entrée en vigueur de la nouvelle loi 32.09 régissant la profession (entrée en vigueur une année après sa publication au bulletin officiel), de nombreux lauréats des facultés de droit se sont vus/se voient privés de ce qui pourrait constituer une option de carrière.

Depuis 2012, on compte pourtant près de 800 nouveaux notaires. Chaque année, de nombreux « stagiaires » passent le concours professionnel et sont de ce fait officiellement habilités à exercer. Qu’est ce qui le justifie ? « Il s’agit de candidats qui étaient déjà inscrits en stage au moment où la nouvelle loi est entrée en vigueur. Leur droit d’accès était acquis avant la loi 32.09 », nous explique Me Abdellatif Yagou, président du Conseil national de l’ordre des notaires.

« Nous organisons chaque année, au mois de décembre, des examens pour liquider les candidatures en instance. Aujourd’hui encore, il reste entre 95 et 100 stagiaires en attente. Mais tant que le décret d’application n’est pas publié, il n’est pas possible d’accueillir de nouveaux entrants », clarifie le juriste.

De fait, toutes ces entrées l’ont été donc sous l’égide de l’ancienne loi, datant de 1925. La loi 32.09 demeure donc inapplicable sur toute la partie consacrée à l’accès au notariat. Ici, on évoque le concours, l’organisation et le déroulement du stage, le régime des épreuves, mais aussi l’examen professionnel, ultime phase avant la nomination – par arrêté du Chef du gouvernement, sur proposition du ministre de la justice. Toutes ses étapes attendent une opérationnalisation par voie réglementaire. Mais encore…

Une fois admis, le candidat doit effectuer un stage de quatre ans, dont la première au sein de l’Institut de formation professionnelle de notariat. Un établissement prévu par la nouvelle loi, mais qui n’existe pas dans les faits. Ou pas encore, tributaire là aussi de l’adoption d’un décret fixant sa « création » et son « fonctionnement ».

Les observateurs imputent ce retard à des questions de budget, mais surtout à la problématique de l’autorité à laquelle sera rattaché le futur établissement. Sachant que, sous le mandat de Mohammed Aujjar (ancien ministre de la Justice), on avait un temps évoqué la création d’une entité multidisciplinaire, joignant plusieurs professions juridiquo-judiciaires (Magistrats, avocats, notaires, adouls, etc.)

L’Institut sera-t-il donc placé sous la tutelle du ministère de la Justice, celle du Pouvoir judiciaire ou celle de l’Ordre des notaires ? C’est une question de fond.  A l’image des avocats, « nous plaidons pour un établissement autonome et indépendant du ministère de la Justice. Nous voudrions aussi que le diplôme qui y sera décerné soit reconnu et permette l’accès à filières universitaires », confie Maître Yagou.

Le président explique que le Conseil dispose « aujourd’hui d’un centre de formation destiné aux notaires. Il ne s’agit pas de l’Institut prévu par la loi. Mais dans nos discussions avec le ministre, il nous a demandé de formuler des propositions. Cela ne nécessite pas de grandes infrastructures ou de grands budgets. Nous avons besoin de classes limitées, à l’image du nombre de candidats. »

L’obstacle des décrets d’application ne concerne pas toutes les catégories de candidats. Certains sont tout bonnement dispensés du concours. Il s’agit des :

– conservateurs de la propriété foncière, titulaires d’une licence en droit et ayant exercé en cette qualité pendant une durée de dix années au moins, après acceptation de leur démission ou leur départ à la retraite, sauf pour motif disciplinaire ;

– inspecteurs des impôts chargés de l’enregistrement, titulaires d’une licence en droit et ayant exercé en cette qualité pendant une durée de dix années au moins, après acceptation de leur démission ou leur départ à la retraite, sauf pour motif disciplinaire ;

– anciens magistrats de premier grade au moins, titulaires d’une licence en droit après acceptation de leur démission ou leur départ à la retraite, sauf pour motif disciplinaire ;

– anciens avocats agréés près la Cour de cassation titulaires d’une licence en droit, après acceptation de leur démission ;

–  professeurs de l’enseignement supérieur, titulaires d’un doctorat en droit, ayant exercé en cette qualité pendant une durée de 15 années au moins, après acceptation de leur démission ou leur départ à la retraite, sauf pour motif disciplinaire.

 

Par : A.E.H

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CINE: le projet de loi 04.20 adopté en commission à la Chambre des conseillers

La Commission de l’intérieur, des collectivités territoriales et des infrastructures a adopté à la Chambre des conseillers, ce mardi 21 juillet, le projet de loi 04.20 relative à la Carte d’identité nationale électronique (CINE), lors d’une réunion tenue en présence du ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit.

D’après le ministre, la CINE constituera un “pont rapide et sûr” vers les services numériques en précisant que cette dernière garantira aux citoyens la possibilité d’un accès sûr aux services numériques des établissements publics et privés, tout en assurant la protection de leurs données à caractère personnel.

Il a estimé que ces développements ont impliqué une modification des textes juridiques encadrant les procédures relatives à la CINE, ainsi que l’exploitation de ses fonctionnalités. Ainsi, ce projet de loi vient remplacer la loi n° 35.06 portant création de la CIN.

Dans ce sens, il a souligné que le projet de loi est enrichi de nouvelles dispositions encadrant les nouvelles fonctionnalités de la carte, en particulier dans le domaine numérique à savoir:

– La réduction de 18 à 16 ans de l’âge obligatoire d’obtention de la CINE, et la possibilité de l’octroyer aux mineurs, sur demande de leurs représentants légaux, avec obligation de renouvellement à l’âge de 12 ans, pour l’enregistrement des empreintes.

– Le remplacement du code barre de la carte actuelle par une zone de lecture automatique et la création d’un code à barres imprimé sur le verso de la carte. Ces deux éléments permettent d’accéder à la version enregistrée dans la puce électronique, comprenant les informations disponibles sur le recto et le verso de la CINE afin de mieux faciliter l’automatisation.

– Des dispositions permettant l’enregistrement d’informations supplémentaires facultatives à la demande du titulaire de la carte, au niveau de la puce électronique. Selon le ministre, ces informations supplémentaires sont liées à l’achèvement de certaines procédures administratives, telles que l’adresse e-mail, le numéro de téléphone ou encore le nom et les coordonnées d’une personne à contacter en cas d’urgence.

Concernant l’exploitation des fonctionnalités de la CINE par d’autres institutions, le ministre a indiqué que le projet de loi offre un fondement juridique permettant à la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) d’autoriser à des organismes publics et privés d’exploiter la CINE. Cela par le biais de certains mécanismes techniques, ou par introduction de nouvelles informations sur la puce électronique, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires relatives à la protection des données personnelles.

Par ailleurs, le ministre a affirmé que les cartes actuelles restent en vigueur et que les citoyens ne sont pas appelés à les changer, à moins qu’ils souhaitent bénéficier des nouveaux services qu’elles offrent.

 

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Code du travail : un décret pour préserver les droits des salariés

Le Conseil de gouvernement, réuni jeudi sous la présidence du Chef de gouvernement, Saâd Dine El Otmani, a adopté le projet de décret n°2.19.793 relatif à la définition des secteurs et cas exceptionnels de signature d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) à travers un texte réglementaire après consultation des organisations professionnelles des employeurs et des organisations syndicales des salariés les plus représentatives ou en vertu d’une convention collective de travail.

Présenté par le ministre du Travail et de l’Insertion professionnelle, le décret vise à conférer une souplesse socialement responsable à même de stimuler davantage le marché de l’emploi, tout en préservant les droits des salariés et lutter contre le travail précaire, à l’instar des expériences internationales dans le domaine, a indiqué le ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, porte-parole du gouvernement, Saaid Amzazi, dans un communiqué lu à l’issue du Conseil.

Ce texte se décline en trois articles, dont le premier définit les secteurs et cas exceptionnels de signature d’un CDD, a relevé le ministre, précisant que ces cas se limitent à quatre scénarios tels qu’énoncés dans les dispositions des articles 198, 190, 192 et 196 de la Loi n° 65-99 relative au Code du travail.

Le premier cas porte sur la récupération du reste des heures de travail perdues qui n’ont pas pu être récupérées selon les dispositions de l’article 189 du Code du travail, à condition que cela se fasse dans la limite des 30 jours énoncés dans l’article en question, et après consultation des délégués des salariés et, le cas échéant, des représentants syndicaux de l’entreprise. Le deuxième scénario consiste en la réalisation des travaux énoncés dans l’article 190 du Code du travail, et qui n’ont pas pu être achevés conformément aux dispositions de l’article précité, en se limitant aux besoins de la réalisation desdits travaux.

De même, le troisième cas porte sur l’exécution des travaux énoncés dans l’article 192 du Code du travail, qui n’ont pas pu être achevés conformément aux dispositions de l’article en question, et ce dans la limite des besoins d’achèvement de ces travaux sans dépasser les quatre jours cités dans le même article. Le quatrième scénario définit par ce décret porte sur la réponse à la hausse exceptionnelle du volume de travail au sein de l’établissement qui n’a pu être achevé conformément aux dispositions de l’article 196 du Code du travail et du texte réglementaire relatif à son application, et ce après consultation des délégués des salariés et, le cas échéant, des représentants syndicaux, et à condition que cette réponse se fasse dans la limite des heures nécessaires à cet effet, sans dépasser le plafond autorisé par les dispositions du texte réglementaire précité pour chaque salarié. M. Amzazi a ajouté que l’article 2 énonce sept cas dans lesquels il est également permis de signer un contrat de travail à durée déterminée. S’agissant de la présentation et de l’examen du projet de décret n°2.20.394 fixant les prérogatives et l’organisation du ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’administration, le ministre a fait savoir qu’il a été reporté à un prochain Conseil de gouvernement étant donné l’incapacité du ministre de tutelle à participer aux travaux du Conseil à cause de ses engagements liés à la discussion du projet de loi de finance rectificative à la Chambre des Conseillers. De même, a ajouté M. Amzazi, il a été décidé de reporter l’adoption du projet de décret n° 2.20.448, présenté par le ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Economie verte et numérique, sur la création de la zone franche d’exportation Ain Johra, afin de le soumettre à un examen plus approfondi.

Par : F.A

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Gestion RH en période de crise: Gare aux limites juridiques!

La conjoncture se corse de plus en plus. Révision du business modèle, recherche de nouvelles opportunités, création de nouveaux produits et services… Les entreprises tentent de trouver des solutions pour s’en sortir avec le moins de dégâts possibles, et mieux rebondir après la crise.

Nombreuses sont celles qui sont obligées de licencier, de réduire la voilure, de réaménager leurs horaires de travail… Mais cela ne les dédouane pas de leurs obligations légales vis-à-vis de leurs salariés. Elles encourent ainsi des risques juridiques. Le code du travail se révèle parfois contraignant. Ses failles, n’arrangeant ni les employeurs, ni les salariés, ont été mises à nu par la crise du Covid-19.

«Il serait opportun aujourd’hui que les chefs d’entreprise puissent inciter à une modification du code du travail resté figé depuis 2011, et qui ne répond plus à leurs préoccupations», souligne Bassamat Fassi Fihri, associée fondatrice du cabinet Bassamat & Laraqui, récemment invitée à une e-conférence de l’Association pour le progrès des dirigeants (APD). Que peut se permettre l’entreprise ou pas dans sa relation avec ses salariés? Tour d’horizon avec Me Bassamat Fassi Fihri.

■ Congés: l’accord du collaborateur est indispensable

Imposer à des salariés de prendre un congé payé durant la crise pour s’assurer de leur présence à la reprise. Pour les patrons, la démarche paraît rationnelle. Cependant, l’employeur ne peut décider unilatéralement, l’accord du salarié est impératif selon la loi, crise ou pas. Certaines entreprises sont allées jusqu’à décider de prélever sur les congés de 2021 pour les collaborateurs dont le solde 2020 a été épuisé. La démarche est tout simplement illégale.
Impossible également d’envisager des congés sans solde. Cette option n’est pas prévue par le code du travail, sauf pour la mère salariée souhaitant se libérer pour élever son enfant pour une durée d’une année, en concertation avec son employeur (article 156).

■ Pas de chômage partiel
Encore une notion ignorée par le code du travail. Pour faire face à une baisse drastique d’activité, la seule possibilité offerte par la loi est celle de l’aménagement des heures de travail. L’entreprise peut réduire le temps normal de travail pour une durée n’excédant pas 60 jours, après s’être concertée avec les délégués du personnel, et le cas échéant, les représentants des syndicats. Le salaire est payé pour la durée effective de travail et ne peut, en aucun cas, être inférieur à 50% de la rémunération normale.

■ Baisse de salaire: Pas au-delà de 60 jours, sauf si…

ême en crise, les entreprises sont obligées de payer les salaires de leurs collaborateurs. Des réductions de salaire ne peuvent être envisagées qu’en cas de réaménagement du temps de travail, et avec l’accord des salariés. La révision à la baisse peut aller à 50% sur une durée de deux mois (à condition de ne pas descendre en deçà du Smig). Les baisses décrétées durant cette période de confinement par de nombreuses entreprises ne peuvent donc en principe dépasser les 60 jours. Pour aller au-delà, un accord doit être trouvé avec les représentants des salariés, sinon, une autorisation de l’autorité administrative, autrement dit, du gouverneur, est nécessaire.
Les employeurs ne sont pas tenus de restituer les montants prélevés après la crise, selon Bassamat Fassi Fihri. Si la diminution de salaire n’est pas assortie d’une réduction du nombre d’heures de travail, le salarié est en droit de réclamer le paiement du reliquat.

■ Licenciements compliquésPour faire face à la baisse des commandes, les entreprises n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre. Le chômage partiel n’étant pas prévu par la loi, elles ne peuvent réduire le temps de travail de leurs employés indéfiniment (deux mois au maximum, sauf accord avec les salariés ou autorisation du gouverneur). Elles sont donc obligées de dégraisser leurs effectifs pour survivre. Pour licencier, c’est la croix et la bannière. Le licenciement collectif est soumis à une autorisation administrative, rarement accordée (une autorisation délivrée par le gouverneur de la préfecture ou de la province, dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de la présentation de la demande par l’employeur au délégué provincial chargé du travail). Beaucoup d’entreprises y pensent en ce moment. «Il est malheureux de constater que les aides financières octroyées par les banques et garanties par l’Etat ne sont pas assorties de conditions de maintien de l’emploi», souligne Fassi Fihri.
Des négociations, souvent longues et difficiles, doivent être organisées avec les représentants des salariés au moins un mois avant de procéder aux licenciements. Un PV reprenant les résultats des concertations, signé par les deux parties, doit ensuite être transmis au délégué provincial chargé du travail. A son tour, il dispose d’un délai d’un mois pour faire toutes les investigations qu’il juge nécessaire et soumettre un dossier à une commission provinciale présidée par le gouverneur de la préfecture ou de la province, aux fins d’examiner et de statuer sur le dossier. En faisant fi de l’autorisation du gouverneur, l’employeur encourt des sanctions pénales, selon l’avocate.
Certaines entreprises préfèrent recourir à des départs négociés au cas par cas (non moins compliqués). L’opération est entérinée par un PV de conciliation d’un inspecteur du travail. La fermeture d’établissements est également soumise à une autorisation du gouverneur. Ces mesures permettent, certes, de protéger l’emploi, mais quand la survie de l’entreprise est en jeu, elles se transforment en menace.

■ Le «fléau» des CDI déguisés

Des contrats renouvelés à l’infini, des travailleurs exerçant dans des conditions précaires, de l’informel…, «l’intérim est devenu un fléau national», regrette Bassamat Fassi Fihri. Durant cette crise pandémique, les contrats d’intérim ont été les premiers à sauter. «Le législateur doit agir. On ne peut admettre qu’une frange importante de la société évolue dans la précarité la plus totale», insiste l’avocate.
Les contrats d’intérim se révèlent souvent peu adaptés aux attentes des employeurs. L’experte relève l’exemple de l’hôtellerie, une activité par définition saisonnière, où les opérateurs dépensent 3 à 4 mois à former leurs intérimaires, alors que la durée légale de leur contrat est de seulement 6 mois (3 mois renouvelables une fois). Les professionnels du secteur ont longtemps milité pour faire monter les CDD à 18 mois, voire à 24 mois, sans succès. Ce genre de limites du code du travail représente un sérieux frein pour l’investissement, selon l’experte. «Et généralement une loi inadaptée est une loi qu’on contourne», lance-t-elle.

■ Et des faux statuts d’auto-entrepreneur
En plus des CDI déguisés en contrat d’intérim, des entreprises recourent au statut d’auto-entrepreneur pour couvrir une relation salariale à durée indéterminée. «Un certain nombre de sociétés d’intérim placent des auto-entrepreneurs chez des employeurs, en prenant au passage une commission. Il s’agit en réalité de salariés», explique Bassamat Fassi Fihri. Pour l’entreprise, la relation de travail est moins contraignante, et n’est limitée par aucun délai. «Théoriquement, le risque de requalification de la relation de travail existe. Mais à ma connaissance, il n’y a pas encore eu de décision dans ce sens», précise l’avocate.

■ Sécurité au travail: Un salarié peut-il refuser de retourner au bureau?

Le retour au bureau après trois mois de télétravail n’est pas évident pour tous. Si en plus les collaborateurs ont des doutes sur les conditions de sécurité en entreprise, la reprise est encore plus délicate. Un salarié peut-il décider de rester en télétravail s’il juge que sa santé est en danger sur son lieu d’activité? Le code du travail n’envisage pas cette possibilité, comme c’est le cas dans d’autres législations. «Le droit de retrait du salarié n’existe pas au Maroc. S’il ne regagne pas son entreprise, cela est considéré comme un abandon de poste», explique la fondatrice du cabinet Bassamat & Laraqui. Une fois sur place, il appartient aux salariés d’alerter l’inspection du travail pour évaluer la situation, et exiger du chef d’entreprise de prendre les dispositions garantissant la sécurité de ses collaborateurs.

Par : Ahlam NAZIH   

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Créances: Du sur-mesure pour les débiteurs de mauvaise foi!

Durant cette période de crise, les entreprises seront nombreuses à faire face à de sérieuses difficultés financières. Les délais de paiement, déjà très allongés, pourraient s’aggraver encore plus. Pareil pour les impayés. Les créanciers risquent d’être dans une très mauvaise posture. Comment se prémunir contre les débiteurs qui s’évanouiraient dans la nature? La situation est pour le moins problématique.

S’exprimant lors d’une récente e-conférence de l’Association pour le progrès des dirigeants (APD), Bassamat Fassi Fihri, fondatrice du cabinet Bassamat & Laraqui, a proposé la mise en place d’un système d’alertes, à l’instar du modèle de certains pays européens.

«En Belgique, quand une entreprise ne s’acquitte pas de ses charges sociales, ne dépose pas ses états de synthèse, ne fait pas preuve de régularité fiscale… Des alertes sont envoyées au tribunal de commerce. Un système d’information donne la possibilité à n’importe qui de vérifier si le débiteur est dans une procédure judiciaire collective, d’accéder à son bilan économique et social…», illustre l’avocate.

Le dispositif permet aussi au tribunal de convoquer le chef d’entreprise, non pas pour le sanctionner, mais pour comprendre ses difficultés et lui proposer un accompagnement adapté à sa situation. «C’est ainsi que nous pourrons assainir le tissu économique en amont, car c’est ce dont nous avons besoin au Maroc», poursuit l’avocate.

Des juges commissaires et des syndics non formés

De leur côté, les entreprises en proie à des difficultés financières, sans toutefois être en cessation de paiement, peuvent profiter de plusieurs mesures de soutien au niveau du tribunal de commerce. Elles peuvent bénéficier d’un mandataire spécial ou d’un conciliateur pour les aider à obtenir des délais de paiement supplémentaires, ou à négocier avec leurs fournisseurs ou salariés.

En cas de difficultés totalement insurmontables, l’entreprise peut demander à être placée sous la protection du tribunal dans le cadre d’une procédure de sauvegarde (entrée en vigueur en avril 2018), durant laquelle toutes les poursuites judiciaires des créanciers sont suspendues.

Si le plan de sauvegarde n’est pas respecté, il ne reste que deux options: le redressement judiciaire ou la liquidation. «Il s’agit d’une innovation majeure, mais qui a été adoptée à la va-vite, afin de monter dans le classement Doing business. Cette procédure est aujourd’hui considérée par de nombreux praticiens comme un véritable échec», souligne Fassi Fihri.

Les juges commissaires ne disposent d’aucune formation spécifique en matière de restructuration d’entreprises. Pareil pour les syndics, un maillon important de la procédure de sauvegarde, qui en plus représentent les intérêts «antinomiques» des débiteurs et des créanciers. Le texte relatif aux syndics se fait, d’ailleurs, toujours attendre (profil, formation, honoraires…).

Un effet boule de neige

Le syndic a pour rôle d’établir un rapport sur la santé économique de l’entreprise en difficulté et de valider le plan de sauvegarde. Il dispose d’un délai de 4 mois pour livrer son rapport. Cependant, dans la pratique, il peut aller à 24 mois, selon Fassi Fihri.

«Imaginons que l’entreprise obtienne un plan de sauvegarde de 5 ans. Si au bout de la troisième année elle ne paie plus ses créanciers, elle peut décrocher un plan de continuation sur 10 ans, en plus d’un an de différé. En fin de compte, la procédure s’étalera sur 14 ans durant lesquels les créanciers seront peu ou pas du tout payés. Si à la fin l’entreprise débitrice ne paie plus, elle passe en liquidation judiciaire», relève Bassamat Fassi Fihri.

«Elle aura mis en difficulté ses créanciers qui à leur tour ne paieront pas les leurs, créant ainsi un effet boule de neige», ajoute-t-elle. Censée permettre aux structures de dépasser leurs difficultés, de continuer leur activité, préserver leurs emplois…, la procédure de sauvegarde ne rend finalement service à personne, selon l’experte.

L’avocate suggère la mise en place de comités de soutien composés d’experts de la restructuration d’entreprises dans les tribunaux, en partenariat avec le patronat. «Pour moi, ces procédures de traitement sont extrêmement adaptées aux débiteurs de mauvaise foi souhaitant échapper au paiement de leurs dettes. Par ailleurs, les sociétés y rentrent généralement avec un rhume pour en sortir dans un coma profond», déplore l’avocate. Une révision urgente du code de commerce s’impose.

Par : Ahlam NAZIH

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