Bassamat & Laraqui

Expropriation: Une proposition de loi pour protéger la propriété privée

Bonne nouvelle pour les proprié­taires d’un bien immobilier. Les pratiques abusives de l’administration interpellent le Parlement. Une proposition de loi, dépo­sée le 4 février 2020 à la chambre des re­présentants, vise à amender le code pénal.

Ce texte vise d’abord à criminaliser la voie de fait qui viole la propriété pri­vée. Acte par lequel une administration s’approprie un bien «sans aucun fonde­ment légal ou réglementaire et sans qu’il y ait aucune relation avec une décision des autorités administratives», selon une jurisprudence constante de la Cour de cas­sation (Lire article).

Selon la proposition de loi, un respon­sable public d’une administration, d’une collectivité territoriale (comme une com­mune) ou d’un établissement ou entreprise publique risque d’écoper «de six mois à deux ans de prison» s’il commet une voie de fait.

L’application de cette sanction pénale est soumise à deux conditions.

La première porte sur le fonctionnaire, agent ou préposé de l’autorité ou de la force publique qui «ordonne ou engage personnellement une mesure» qui viole la propriété immobilière privée. La seconde condition est que l’auteur de l’abus «n’a pas suivi la procédure d’ex­propriation» fixée par la loi n°7-81 rela­tive à l’expropriation pour cause d’utilité publique et à l’occupation temporaire.

En plus de son volet pénal, la propo­sition de loi engage aussi la responsabi­lité civile personnelle du fonctionnaire en cause. Ce qui induit que l’agent fautif sera poursuivi pour préjudice tel que le fait d’être privé d’exploiter son bien pen­dant des années. Le versement de dom­mages-intérêts s’impose dans ce cas là.
Toutefois, ce dispositif juridique peut être écarté. C’est principalement le cas lorsque l’agent en cause «justifie avoir agi par ordre express de ses supérieurs hiérarchiques». Par conséquent, la peine va s’appliquer «aux supérieurs qui ont donné l’ordre».

Cette proposition de loi a de fortes chances de susciter un vif débat entre partisans et détracteurs. Voire susciter des résistances à la chambre des conseil­lers où siègent des syndicats. Nous n’en sommes pas encore là.  Le texte a été transféré, le 17 février 2020, à la commission justice, législation et droits de l’homme de la chambre des représentants. Elle devra l’examiner dans le cadre d’une première lecture.

La réforme envisagée a des chances d’aboutir dans la mesure où elle est portée par la majorité. En effet, quatre groupes parlementaires en sont à l’origine. Ceux du Parti justice et développement, du Mouvement populaire, les socialistes et l’Union constitutionnelle dans l’opposi­tion depuis.

Leurs élus à la Chambre des repré­sentants veulent amender l’article 226 du code pénal. C’est sur sa base que la responsabilité civile personnelle d’un fonctionnaire est engagée ainsi que celle de l’Etat. Cette option est actuellement possible. Mais uniquement envisageable pour «un acte arbitraire, attentatoire à la liberté individuelle ou aux droits civiques d’un ou plusieurs citoyens».

La proposition de loi veut l’étendre à la voie de fait. D’où le projet d’introduire un nouvel amen­dement via l’article 224 bis. C’est cette disposition qui prévoit les peines de pri­son visant un fonctionnaire, agent ou pré­posé de l’autorité ou de la force publique ayant commis une voie de fait. Car un tel agissement viole le droit de jouir paisible­ment de sa propriété. La voie de fait est l’un des exemples les plus éclatants et les plus récurrents des mauvaises pratiques.

L’objectif des parlementaires est de «mieux protéger la propriété immobilière privée» contre les abus de l’Etat et de ses démembrements: établissements publics, collectivités locales, offices… C’est en partie cet argumentaire qui est mis en avant par la proposition de loi.

Si la proposition de loi qui incrimine la voie de fait est adoptée par le Parle­ment, elle risque d’engendrer une révo­lution dans la pratique administrative. Mais pas seulement. Les propriétaires seraient aux anges! Et pour cause, la voie de fait est l’une des techniques uti­lisées dans la spoliation foncière. Dans leur présentation de la proposition de loi, les parlementaires n’y font pas allusion. Pourtant, «les ministères de l’Education, de l’Equipement et de l’Intérieur sont les plus concernés par ces affaires», relève la Cour des comptes dans son rapport sur «L’évaluation de la gestion du contentieux de l’Etat» (Cf. L’Economiste n°4672 du 21 décembre 2015).
Quant au Médiateur du Royaume, du temps d’Abdelaziz Benzakour, il a dénoncé à plusieurs reprises dans ses rapports «toutes les formes de voies de fait commises par l’administration sans indemniser les pro­priétaires ou restituer les biens spoliés»!

 

Par Faical Faquihi

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Arbitrage: faut-il légaliser le contradictoire dans la procédure d’exéquatur ?

La réforme du droit de l’arbitrage sur la table du gouvernement. Le projet de loi propose d’appliquer le “contradictoire” dans les demandes d’exequatur, ce qui impliquerait la convocation obligatoire des parties. Une disposition qui divise.

Le contradictoire deviendra-t-il obligatoire dans les actions en exequatur ? C’est l’une des nouveautés proposées par le projet de loi n°95.17 relatif à l’arbitrage et la médiation conventionnelle. Ce texte est inscrit à l’ordre du jour du prochain Conseil du gouvernement, prévu ce jeudi 5 mars.

Aujourd’hui, la loi n’impose la convocation des parties que dans “les actions en annulation” des sentences arbitrales. Une démarche qui permet à la justice de contrôler lesdites sentences conformément au principe du contradictoire.

Il n’en est pas ainsi pour les actions en exequatur, procédures qui visent à rendre exécutoires les décisions rendues par les arbitres. Mais dans ces procédures, le contradictoire est toutefois courant bien que sans fondement légal. Développée par le tribunal de commerce de Casablanca et généralisée à l’ensemble des juridictions, cette pratique judiciaire risque de revêtir une forme légale. Le projet de loi impose en effet, s’il était adopté, la convocation des parties aussi bien aux arbitrages internes qu’internationaux.

Une disposition qui divise. Beaucoup y voient “une entrave au principe de célérité“, essence même des modes alternatifs de règlement des litiges. La rapidité est pourtant l’une des raisons pour lesquelles des parties, généralement des investisseurs, optent pour l’arbitrage.

En droit comparé, les systèmes qui superposent l’action en annulation et celle en exequatur permettent le contradictoire dans la première, mais ne l’admettent pas pour la deuxième. Du coup, le juge de l’exequatur statue généralement en l’absence des parties. Ce qui facilite l’exécution de sentence.

Or, les pourfendeurs de la nouvelle disposition redoutent qu’elle ne permette aux parties ayant perdu un arbitrage de soulever les mêmes arguments devant le juge de l’exequatur et devant le juge de l’annulation. Et ce, toujours, dans le cadre du contradictoire. Un “effet doublon” qui tendrait à favoriser la lenteur des procédures.

Les avis divergents

Le gouvernement motive la réforme de l’arbitrage par la volonté “d’accélérer” les procédures  judiciaires et de “simplifier la procédure d’exequatur et de reconnaissance des sentences arbitrales”. Or, le contradictoire dans les procédures d’exequatur “retarde considérablement l’exécution effective de la sentence arbitrale au mépris des droits des parties et vide, en conséquence, le recours à l’arbitrage de tout son intérêt. Il va sans dire que cette pratique n’est pas de nature à encourager les investisseurs ni à les rassurer faute d’efficience de l’arbitrage”, nous avait déclaré Khalid Zaher dans cette interview accordée à Médias24.

Tout le monde n’est pas de cet avis. “Heureusement qu’il y a le contradictoire, sans quoi beaucoup d’affaires auraient été bâclées”, lance cet avocat d’affaires contacté par Médias24. Habitué des arbitrages internationaux, ce praticien se réjouit de cette pratique judiciaire et sa traduction future en disposition légale.

Dans les faits, la procédure non contradictoire bénéficie surtout au demandeur de l’exequatur. Elle lui garantit une exécution rapide de la sentence arbitrale. “Mais il faut également se positionner du côté du défendeur. Le contradictoire permet à cette partie d’exposer ses arguments contre une décision arbitrale qui n’est pas immunisée d’irrégularités ou d’erreurs”, explique le praticien.

«”La tendance à l’international est certes en faveur de la non convocation des parties. C’est le cas en France. Mais il faut dire que ce n’est pas le même contexte, ni les mêmes moyens”, ajoute notre source.

Une telle démarche ne risque-t-elle pas de donner lieu à un réexamen des faits ?  “Je ne pense pas, puisque la loi délimite le périmètre des éléments débattus dans le cadre d’une procédure d’exequatur. Dans le cas des arbitrages internationaux, ces éléments concernent notamment le respect, par la sentence arbitrale, de l’ordre public national et international. Or, il s’agit là de notions complexes qui doivent faire l’objet d’un examen approfondi et en présence des parties”, estime notre interlocuteur.

 

Par : A.E.H

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C’est parti pour le RNSM

Le Registre national électronique des sûretés mobilières (RNSM), un mécanisme de garantie des créances relevant du ministère de la Justice, a été lancé officiellement, lundi à Rabat, par le chef du gouvernement Saâd Dine El Otmani.

Mis en service lors d’une cérémonie marquée par la présence du ministre de la Justice, Mohamed Benabdelkader et du secrétaire général du gouvernement, Mohamed El Hajoui, le RNSM bénéficiera à l’ensemble des citoyens, plus particulièrement les commerçants et les divers opérateurs économiques.

Ce nouveau mécanisme offre aux usagers une plateforme électronique, conçue spécialement à cet effet par le département de la Justice.

L’instauration du RNSM fait partie des actions menées par l’exécutif en vue de simplifier les procédures administratives, de favoriser une plus grande efficience et plus de transparence en la matière, de soutenir les PME et de faciliter les formalités liées à l’enregistrement des sûretés mobilières.

M. El Otmani a indiqué que le lancement de ce registre constitue l’aboutissement d’un long processus de réforme, concrétisé par la publication de la loi 18-21 relative aux sûretés mobilières et du décret portant création du registre national des sûretés mobilières, saluant à cet égard les efforts déployés par la commission nationale des investissements et les professionnels ayant contribué à ce chantier.

La mise en oeuvre du registre électronique des sûretés mobilières intervient dans une période marquée par le lancement du programme intégré de soutien et de financement des entreprises, visant à accompagner les jeunes et les auto-entrepreneurs dans la réalisation de leurs projets, a-t-souligné.

M. El Otmani a relevé, également, que la mobilisation nationale dans cette période tend à inculquer l’esprit d’entreprenariat aux jeunes et les encourager à investir ce domaine, affirmant que la réforme du registre électronique des sûretés mobilières constitue un jalon dans la mise en place d’un arsenal juridique, financier et de managérial, comme elle est un acquis de réforme que le gouvernement s’attelle à mettre en place, dans le cadre d’une série de réformes importantes visant à améliorer le climat des affaires et redynamiser l’activité économique.

Pour le chef du gouvernement, ce mécanisme donnera un nouveau souffle aux petites et moyennes entreprises et permettra aux auto-entrepreneurs d’accéder au financement nécessaire.

L’instauration de ce mécanisme, placé sous la tutelle du ministère de la Justice, s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par le ministère pour simplifier et numériser les procédures administratives, pour plus d’efficacité et de transparence dans la mise en oeuvre de ce registre national, a insisté M. El Otmani.

Le registre électronique des sûretés mobilières devra fournir des données aux administrations et institutions publiques relatives à la nature, au genre et au nombre de sûretés mobilières enregistrées, alors que l’administration du registre devra fournir une assistance technique aux utilisateurs en vue de faciliter les procédures et les opérations qui y sont liées.

Ce registre, stipulé par l’article 12 de la loi 21.18 relatif aux sûretés mobilières, ainsi que l’article 01 du décret 2.19.327 paru le 08 octobre 2019, permettra de soumettre l’hypothèque sur fonds de commerce et sur équipements et fournitures à des formalités de publicité dans le registre national électronique des sûretés mobilières, plutôt que de la restreindre au registre du commerce, d’organiser le processus d’inscription dans le registre national électronique des sûretés mobilières, d’accorder aux parties ou à leurs agents le pouvoir de procéder à cette inscription et de donner à l’administration la possibilité de saisir toute modification ou inscription, sur décision de justice.

 

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Protection de l’ordre public économique, nouveau chantier du ministère public

La protection de l’ordre public économique au cœur d’une récente circulaire du président du ministère public. Il faut en effet renforcer la “confiance des investisseurs” et assurer la “sécurité juridique des acteurs économiques”.

Le ministère public veut contribuer à sa manière au nouveau modèle de développement. Son président Mohamed Abdennabaoui appelle à consolider le rôle du parquet dans la protection de “l’ordre public économique”, “assurer la sécurité juridique des acteurs économiques” et “renforcer la confiance des investisseurs”.

“Les rôles du ministère public dans la protection de l’ordre public économique sont divers, à travers l’intervention efficace dans les procédures collectives des difficultés de l’entreprise, la vigilance et le suivi des litiges relevant de la compétence juridictionnelle, ou encore l’investigation et les poursuites liées aux infractions relatives aux sociétés commerciales, à la liberté des prix et de la concurrence, les contraventions relatives au registre de commerce et à la propriété industrielle et d’autres infractions ayant trait au domaine des finances et des affaires”, lit-on dans une circulaire datée du 24 janvier 2020.

Les infractions financières ne sont pas l’apanage du code pénal. Beaucoup sont contenues dans des lois spéciales (délits boursiers, pratiques anticoncurrentielles etc.). Pour le ministère public, appliquer ces textes, souvent épars et très peu utilisés dans les juridictions marocaines, revient à activer leur “pouvoir de proportionnalité” en matière de répression des “violations économiques”.

La constatation de ces violations peut survenir lors d’un litige commercial, dès lors qu’il existe un impact pour “la sûreté économique et sociale”. Cela peut déboucher sur un renvoi aux juridictions répressives.

Certaines affaires sont parfois traitées parallèlement par les juridictions ordinaires et commerciales. Malgré la connexité entre les deux procédures, celles-ci peuvent donner lieu à des issues contradictoires (Ex: Une partie peut être condamnée pour escroquerie au pénal, tout en gagnant son litige commercial).

De part et d’autre, les membres du ministère public sont appelés à la vigilance. M. Abdennabaoui les invite à coordonner leur action  en “échangeant les informations reçues à l’occasion de l’exercice de leurs missions”.

Dans les litiges commerciaux, la célérité est une préoccupation majeure. Les procureurs doivent organiser leur action en ce sens. Dans sa circulaire, M. Abdennabaoui insiste sur “le respect des délais légaux”, notamment ceux “du recours en appel”.

Le code de commerce reconnait au ministère public de larges possibilités de recours contre les jugements et ordonnances, rendues en matière de difficultés des entreprises. Reste à activer ce mécanisme dans le délai de dix jours, prévu par le livre V du code de commerce.

 

Par : A.E.H

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Appel à soutenir la spécialisation judiciaire

La formation continue est un choix stratégique qui devrait être érigé en priorité dans les politiques judiciaires afin d’être à la page des évolutions juridiques et actuelles, a indiqué, lundi à Rabat, le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du ministère public, Mohamed Abdennabaoui.

Dans une allocution à l’occasion de l’ouverture de sessions de formation consacrées aux crimes financiers à l’Institut Supérieur de la Magistrature, M. Abdennabaoui a souligné que le rythme des évolutions juridiques et actuelles est devenu source d’inquiétude pour les mécanismes de la justice pénale en ce sens qu’une veille et une vigilance constantes sont nécessaires pour se tenir informé de toutes ces mutations pour mieux les gérer et les confronter.

A cet égard, il a évoqué la nécessité de soutenir la spécialisation judiciaire car la justice spécialisée offre des possibilités pour accompagner les développements économiques et sociaux, précisant que c’est dans ce contexte qu’interviennent ces sessions de formation élaborées par la Présidence du Ministère Public au profit des magistrats du Ministère public au sein des Chambres spécialisées en crimes financiers près les Cours d’Appel de Rabat, Casablanca, Marrakech et de Fès, et en faveur des officiers de police judiciaire chargés d’enquêter sur ce type de crimes.

Et M.Abdennabaoui d’ajouter que cette formation intervient en réponse à une série de constats dont le fait que la dernière formation sérieuse en date au profit des magistrats du Parquet et des magistrats des chambres spécialisées dans les crimes financiers remonte à plus de huit ans, soulignant, à cet égard, qu’un certain nombre de magistrats bénéficiaires ont été succédés par d’autres n’ayant pas eu l’opportunité de rafraîchir leurs connaissances juridiques et de prendre connaissance des derniers développements en matière de criminalité financière.

De l’avis du procureur général du Roi près la Cour de cassation, la lutte contre les crimes de corruption et la protection des deniers publics ou privés ne devraient par être influencées par les débats sociétaux dans les espaces publics, y compris sur les réseaux sociaux, mais plutôt via des enquêtes judiciaires et la recherche de preuves légitimes.

Ces sessions de formation s’inscrivent dans le cadre de la promotion de la spécialisation et l’amélioration des compétences des magistrats du Parquet et des officiers de police judiciaire en matière de lutte contre la corruption financière en ce sens que la lutte contre ce type de crime est l’une des priorités de la politique pénale du Parquet et du fait de la complexité de ces crimes qui nécessite une connaissance des aspects financiers, comptables et techniques de la criminalité financière.

Le programme de formation qui s’étend sur quatre sessions (février, mars, avril et juin) sera encadré par des procureurs expérimentés de la Cour des comptes, du Ministère public, de l’inspection générale du ministère des Finances, l’Unité de traitement du renseignement financier, Bank al Maghrib, l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption, le Trésor public et le Laboratoire public d’essais et d’études.

 

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Arbitrage au Maroc: “Il est temps de rectifier le tir” (Khalid Zaher)

Exequatur et procédure contradictoire; clause compromissoire… sont les points névralgiques de l’avenir de l’arbitrage au Maroc. Le Pr Khalid Zaher, Professeur de droit, arbitre, conseil et membre la commission chargée de rédiger le projet de Code l’arbitrage, répond à nos questions.

Médias24: Si vous deviez faire un bilan, en quelques mots, de l’évolution de l’arbitrage au Maroc, que vous diriez-vous ?

Khalid Zaher: En réalité, la loi 08-05 devait marquer un tournant en alignant enfin le cadre réglementaire de l’arbitrage au Maroc sur les standards internationaux, particulièrement en matière d’arbitrage international. Il n’en fut rien. La question de l’exequatur, point névralgique de l’arbitrage, le montre amplement.

Le Code de procédure civile de 1974 qui constituait le cadre légal de l’arbitrage au Maroc jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi 08-05 n’exigeait nullement la procédure contradictoire lors de l’exequatur. Les juges marocains devaient donc statuer sur la demande d’exécution en l’absence des parties.

La Cour de cassation marocaine, à l’époque appelée Cour Suprême, avait clairement affirmé dans son fameux arrêt du 7 juillet 1992 que le principe du contradictoire était exclu en matière d’exequatur. De surcroît, sous l’empire de l’ancienne loi, l’action en annulation de la sentence n’était pas possible. Dès lors, l’exécution effective des sentences arbitrales intervenait dans un temps raisonnable.
Après la promulgation de la loi 08-05, qui s’inspire en grande partie de la loi-type de la CNUDCI et du droit français, la pratique judiciaire de l’arbitrage au Maroc a connu certaines déviances en négligeant l’une des raisons fondamentales pour laquelle les opérateurs du commerce international optent pour l’arbitrage à savoir la célérité.
En effet, soumettre un litige à l’arbitrage, c’est vouloir d’abord et avant tout échapper aux lourdeurs inhérentes à la justice étatique afin d’obtenir rapidement une décision exécutoire. Or, en instaurant une procédure contradictoire lors des actions en exequatur des sentences arbitrales, qu’elles soient internes ou internationales, les juges marocains ont vidé la réglementation de l’arbitrage de tout son intérêt.
Ceci est d’autant plus vrai que la loi 08-05 n’impose nullement la procédure du contradictoire et que le droit français qui l’inspire exclut cette dernière devant le juge de l’exequatur. La raison en est que la partie qui prétend que la sentence arbitrale a été rendue en violation de ses droits sera toujours en mesure de former une action en annulation de ladite sentence dans le cadre d’une procédure contradictoire.
La cohérence de cette position ne souffre aucune contestation. Et pour cause : il serait malvenu qu’une partie, ayant succombé devant les arbitres, puisse soulever un certain nombre de griefs devant le juge de l’exequatur dans le cadre d’une procédure contradictoire, avant de reformuler plus tard les mêmes griefs, cette fois-ci, devant le juge de l’annulation, toujours dans le cadre d’une procédure contradictoire ! Cette pratique, initiée et instaurée par les juridictions de Casablanca, retarde considérablement l’exécution effective de la sentence arbitrale au mépris des droits des parties et vide, en conséquence, le recours à l’arbitrage de tout son intérêt. Il va sans dire que cette pratique n’est pas de nature à encourager les investisseurs ni à les rassurer faute d’efficience de l’arbitrage.

Cette pratique du contradictoire, oeuvre purement jurisprudentielle, est appelée à être consacrée par le législateur. En effet, le projet de Code de l’arbitrage traduit en actes législatifs une pratique instaurée par les juges au mépris des règles élémentaires de l’arbitrage et des standards internationaux en la matière. Il est encore temps de rectifier le tir en supprimant le contradictoire devant le juge de l’exequatur.

Au vu de ce qui précède, il n’est nullement exagéré d’affirmer que l’évolution de la pratique marocaine de l’arbitrage est plutôt négative.

– Y a-t-il réellement des apports ?

-Les apports de la loi 08-05 sont incontestables. Pour la première fois, toute une section a été dédiée à l’arbitrage international qui, lui, n’était pas expressément réglementé par le Code de procédure civile de 1974.

L’État et les collectivités publiques peuvent désormais recourir à l’arbitrage, le législateur les y a expressément autorisés. La mention manuscrite comme condition de validité de la clause compromissoire dans les contrats commerciaux a été supprimée. Toutes ces évolutions constituent autant d’avancées significatives en matière d’arbitrage.

Il n’en demeure pas moins que la pratique judiciaire, lorsque l’esprit de la législation est mal assimilé, est susceptible de remettre en cause les acquis législatifs en vidant ces derniers de tout leur sens.

– Au final, peut-on dire que l’arbitrage joue un rôle important dans l’attractivité de Casablanca et du Maroc pour les investisseurs étrangers?

-Casablanca est immanquablement appelée à devenir une place phare de l’arbitrage en Afrique.

Le cadre réglementaire de l’arbitrage au Maroc, avec une bonne pratique judiciaire axée notamment sur la souplesse des procédures, est de nature à favoriser cette attractivité. De même, l’émergence d’un certain nombre de centres d’arbitrage comme le Centre International de Médiation et d’Arbitrage de Casablanca (CIMAC) sous l’impulsion du Casablanca Finance City est appelée à jouer un rôle majeur qui fait du Maroc, et notamment de sa capitale économique, une place particulièrement attractive pour les investisseurs étrangers.

– Malgré un cadre réglementaire et législatif favorable, les exequaturs peuvent parfois être difficiles à obtenir. Est-il vrai que les juges de l’exequatur peuvent réexaminer le dossier après un arbitrage en bonne et due forme et contester la sentence arbitrale ?

-Il est vrai que la convocation des parties à l’audience de l’exequatur sous couvert du respect du principe du contradictoire prolonge de manière déraisonnable l’exécution effective de la sentence arbitrale pour les raisons évoquées plus haut. Néanmoins, il faut se garder d’affirmer que l’exécution au Maroc des sentences arbitrales est impossible à obtenir. L’exequatur est accordée dans la majorité des cas.

Cependant, certains juges de l’exequatur, pas toujours au fait de la pratique de l’arbitrage international et de ses techniques, très différentes au passage de celles ayant cours dans l’arbitrage interne, peuvent être enclins à rediscuter, au stade de l’exécution, des principes considérés partout dans le monde comme indiscutables et indiscutés. L’exemple le plus illustratif est celui de l’extension de la clause compromissoire à une partie non-signataire.

Lorsqu’une société-mère par exemple se comporte comme une véritable partie en négociant et en exécutant un contrat sans signer ce dernier, les arbitres internationaux la considèrent en toute logique comme une partie audit contrat et ce bien qu’elle ne l’ait pas signé. La négociation et l’exécution ou le début d’exécution suffisent à matérialiser son consentement aux yeux des arbitres internationaux.
Il y a là un principe incontestable de l’arbitrage commercial international. Or, dans le dessein d’échapper à ses responsabilités, la société-mère tentera devant le juge marocain de l’exequatur de rediscuter dans le détail la phase de négociation, d’exécution voire même, ce qui est absurde, le montant des dommages-intérêts accordé par les arbitres.

En acceptant de rediscuter ces différents points, le juge marocain de l’exequatur procède, peut-être inconsciemment, à un réexamen du fond de la sentence arbitrale formellement interdit.
Dans d’autres cas, la partie ayant succombé devant les arbitres prétendra que ces derniers n’ont pas correctement appliqué ou interprété la loi applicable au contrat. Or, la manière dont les arbitres appliquent et interprètent la loi échappe complètement au contrôle du juge de l’exequatur. Il y a là encore un principe incontestable de l’arbitrage commercial international.

En acceptant de rediscuter la façon dont les arbitres ont appliqué la loi ou les règles de droit applicables, ce qui est rarement le cas, le juge de l’exequatur participe bon gré mal gré à un réexamen du fond de la sentence interdit par la loi car nuisible à la pratique de l’arbitrage commercial international.

Ces deux exemples illustrent à merveille les pratiques judiciaires qui répugnent les investisseurs étrangers et, partant, affectent l’attractivité du Maroc.

 

Par : RédactionMedias24

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Terres collectives : la nouvelle réglementation désormais opérationnelle

Le décret d’application de la loi 62-17 sur la tutelle administrative et la gestion  des terres collectives est désormais effectif, nous apprend Les Inspirations Eco dans sa publication de ce mercredi 29 janvier. Le quotidien explique que le nouveau dispositif permettra une plus grande valorisation des terres collectives sous le nouveau régime d’exploitation et de gestion de ces terres.

Notons que la nouvelle réglementation portant sur la cession des terres devra se faire via des appels d’offres sur la base d’un cahier des charges. Le suivi des projets devra être assuré par une commission élargie présidée par les gouverneurs. On apprend aussi qu’en ce qui concerne les délais de validation des projets d’investissement, le décret stipule que le contrat de la cession doit être remis à l’investisseur ayant remporté l’appel d’offres dans un délai ne dépassant pas 15 jours.

Le journal précise que le dernier bilan du gouvernement montre que près de 3.800 collectivités ont été recensées, avec plus de 8.200 représentants. De même, des dizaines de conventions d’assistance judiciaire ont été signées avec des avocats, en vue de renforcer les droits des ayants droit pour les terres collectives situées dans le périmètre urbain.

Les Inspirations Eco ajoute que le nouveau régime vise aussi à renforcer le processus d’immatriculation et à sécuriser 5 millions d’hectares appartenant aux communautés «soulaliyates». Il est également à noter que, pour les terres collectives situées en dehors du périmètre irrigué, les ayants droit seront privilégiés dans le cas où ils sont les exploitants effectifs des terres concernées.

 

Par : Ismail BENBABA

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Domaine maritime du Maroc : les deux projets de loi adoptés par les députés

La Chambre des représentants a adopté, mercredi à l’unanimité, les deux projets de loi visant à établir la compétence juridique du Maroc sur l’ensemble de son domaine maritime.

Il s’agit du projet de loi n° 37.17 modifiant et complétant le Dahir portant loi n° 1.73.211 du 26 Moharrem 1393 (2 mars 1973) fixant la limite des eaux territoriales, ainsi que du projet de loi n° 38.17 modifiant et complétant la loi n° 1.81 instituant une zone économique exclusive de 200 miles marins au large des côtes marocaines.

 

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La Cour de cassation démarre 2020 avec un reliquat de 50.000 dossiers !

Fares et Abdennabaoui insistent sur l’encadrement du pourvoi en cassation. L’un appelle à l’interdiction d’un second recours, l’autre à imposer des frais non restituables en cas de rejet ou d’irrecevabilité. La Cour de cassation démarre 2020 avec un stock de 50.000 dossiers.

Va-t-on finir par rationaliser le pourvoi en cassation? Cet appel a été réitéré, ce mercredi 22 janvier, par les deux hommes forts de la plus haute juridiction du Royaume: Mustapha Fares, son premier président et Mohamed Abdennabaoui, son procureur général.

Les deux magistrats réclament une révision de la législation vers une restriction de ce recours. L’encombrement croissant de la Cour de cassation est avancé comme premier motif. En 2019, cette juridiction a enregistré 51.591 nouveaux dossiers, en augmentation de 21,2% par rapport à l’année précédente.

“Les hautes juridictions de certains pays enregistrent la moitié de ce chiffre alors que le nombre d’habitants y est presque deux fois supérieur au nôtre”, affirme M. Abdennabaoui, qui s’exprimait lors de la cérémonie d’ouverture de l’année judiciaire 2020.

Pis, aux 51.591 dossiers, les “sages” devaient également statuer sur les 46.727 autres correspondant au reliquat des années précédentes. Autrement dit, le total des affaires sur la table en 2019 était de 97.712, dont seulement 46.227 ont fait l’objet d’une décision. Soit un passif de 50.985 qui reste pour cette année 2020! C’est plus que ce que la Cour peut traiter en une seule année.

Par : A.E.H

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Loi sur les évènements catastrophiques : L’arsenal juridique bouclé in Extremis

L’arsenal juridique de la loi sur les événements catastrophiques, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, est bouclé. Les derniers arrêtés du ministre de l’Economie et des Finances sont enfin publiés dans le BO du 30 décembre 2019. Juste à temps pour le démarrage effectif de l’activité du Fonds de Solidarité contre les Evénements Catastrophiques.

L’année 2020 constitue ainsi la consécration d’un long processus de mise en place du dispositif de couverture contre les conséquences d’évènements catastrophiques d’origine naturelle et humaine. Notamment réglementaire. Un arsenal renforcé par les quatre arrêtés suivants :

Le premier arrêté fixe la liste des biens, produits et services dont les prix sont réglementés. Il concerne la réglementation des primes et cotisations relatives à la garantie contre les conséquences d’évènements catastrophiques, et les taux de commissionnement pour la présentation des opérations d’assurance relatives à cette garantie.

Le deuxième arrêté est relatif à la fixation des plafonds globaux de l’indemnité au titre de chaque évènement catastrophique, en fonction de l’origine du sinistre et la fixation des plafonds de l’indemnité au titre de chaque année selon l’origine du sinistre.

Les plafonds sont fixés à 3 Mds de DH lorsqu’il s’agit d’un évènement catastrophique d’origine naturel ; à 300 MDH pour un événement catastrophique d’origine humaine.

En ce qui concerne les plafonds de l’indemnité au titre de chaque année, il est fixé à 9 Mds de DH lorsque l’évènement catastrophique est d’origine naturelle et de 600 MDH lorsque l’événement catastrophique est d’origine humaine.

Le troisième arrêté fixe les clauses obligatoires à insérer dans les contrats d’assurance. Elles concernent :

Les clauses à insérer dans les contrats d’assurance au titre de la responsabilité civile en raison des dommages corporels ou matériels causés aux tiers du fait des véhicules automobiles et leurs remorques et semi-remorques ;

Les clauses relatives à la couverture des conséquences d’événements catastrophiques, au titre du contrat d’assurance couvrant les dommages causés aux biens ;

les clauses relatives à la couverture des conséquences d’événements catastrophiques au titre du contrat d’assurance responsabilité civile en raison des aux tiers, autres que les préposés de l’assuré.

Le dernier Arrêté fixe les primes ou cotisations relatives à la garantie contre les conséquences d’événements catastrophiques, les taux de commissionnement pour la présentation des opérations d’assurance au titre de ladite garantie , ainsi que son plafond et le montant de la franchise.

 

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